Promotion 2025 “Commandant Jules LANGLOIS” des sergents BSPP. Narratif

Jules LANGLOIS est né le 26 décembre 1902 à Laval.

Il est le fils d’un respectable épicier de bourgade qui mène son affaire tant bien que mal. Le destin ne veut pas qu’il puisse vivre assez longtemps pour voir son commerce prospérer. Le petit Jules à 6 ans lorsque la famille LANGLOIS doit mettre la clé sous le paillasson et déménager pour s’établir à Sablé sur Sarthe. Il quitte l’école à dix ans et débute à cet âge comme garçon de ferme pour 10 francs par mois nourri et logé pour 18h de travail par jour. Ce sont sans doute les différents travaux de force qu’il accomplit très jeune que nait l’exceptionnelle vitalité de cet homme hors du commun. Ses emplois se succèdent aussi durs que variés. A seize ans, il trouve une place ou il est payé à décharger du charbon ; 50 centimes la tonne. Mais ce que Jules souhaite, comme beaucoup de jeunes à cette époque, c’est une place stable. Son beau-frère sort du régiment de sapeurs-pompiers de Paris dont il lui a dit le plus grand bien. Lorsque Jules découvre qu’une annonce du « Petit Parisien » informe que le régiment cherche 60 jeunes volontaires pour un engagement, il ne se fait pas prier. Il fait acte de candidature et est convoqué pour les tests de sélection au bureau de recrutement du Mans. Quelques problèmes de calculs résolus sans grand mal et une dictée. Une catastrophe. Pas moins de 52 fautes. D’où la réflexion pas très pertinente du cadre responsable des sélections : « Vous n’êtes pas près d’être nommé colonel » ! Le pauvre, s’il savait. Mais à ce moment, Jules LANGLOIS n’a pas cette idée en tête. Une rencontre providentielle dans le train qui l’emmène à Paris permet à notre ami d’être guidé jusqu’à l’état-major du régiment, boulevard du Palais. Il est ensuite dirigé sur le poste de Landon ou les choses sérieuses commencent.

Nous sommes le 21 octobre 1921. Un jour qui décidera d’une vie.

L’instruction au poste de Landon n’a pas grand-chose de commun avec ce que l’on peut trouver maintenant dans un centre de perfectionnement pour recrues. Une séance d’éducation physique, par exemple, a pour seul but pour de pousser les jeunes jusqu’à l’épuisement total. Seuls les plus résistants moralement comme physiquement tirent leur épingle du jeu. La jeune recrue LANGLOIS est de ceux-là. Le jour de son examen de 2ème classe, il pousse même le bouchon un peu loin. Croyant bien faire, il entreprend de réaliser l’épreuve de grimper de corde à la seule force des bras. Le règlement ne prévoit pas cette « fantaisie », il est donc recalé. Cette anecdote doit en annoncer d’autres savoureuses qui agrémenteront la carrière de Jules LANGLOIS. Il se révèle rapidement d’un caractère franc et direct, n’envoyant jamais dire ou faire par d’autres ce qu’il peut dire ou faire lui-même. Cette attitude, il y est fidèle jusqu’à son dernier jour de service sous le drapeau du régiment et même au-delà. Mais pour respectable qu’elle soit, elle n’en engendre pas moins son lot de jours d’arrêts qu’avec le recul notre ami considère de façon humoristique. Les rares personnes encore vivantes pour se rappeler de cette époque témoignent souvent de la célèbre poignée de main de LANGLOIS. Au moment où il passe avec succès les épreuves de caporal de 1ère classe (grade particulier au régiment) il est capable de réaliser une Allemande à la barre fixe en ne se tenant que par les index. Une telle prouesse ne reste pas longtemps ignorée. Il est rapidement accaparé par la filière des élèves moniteurs qui le conduit à l’équipe spéciale de gymnastique de 1926 à 1936. « On ne peut assister aux entrainements que lorsque l’on est de repos ». Mais, il aime tellement ça … il en oublie quelque fois de rentrer à l’heure à la caserne. Il faut avouer que le démon de la danse le tire souvent dans les bals de quartier et que cet incorrigible Don Juan n’en finit pas tourner des javas endiablées.

Ces « oublis » ne sont pas les seuls reproches que l’on peut faire au sergent LANGLOIS. Le capitaine MARUELLE, son commandant de compagnie lui reproche d’être grisé par ses nombreux succès en gymnastique. Et, s’il est vrai que notre homme est ce qu’il convient d’appeler un cas, il est tout aussi vrai qu’on ne lui pardonne pas grand-chose. Tel ce jour où il est conducteur au premier secours ; il mène son équipage bon train (au moins à quarante ou quarante-cinq à l’heure), il dérape et termine sa course sur un trottoir sans rien endommager. L’affaire aurait donc pu s’arrêter là puisque le véhicule a pu terminer son trajet sans retard et porter secours comme il en a la mission. C’est sans compter sur l’officier qui passe par là à ce moment et qui, apercevant la manœuvre de notre ami, rédige à son intention une demande de punition qu’il n’a plus qu’à signer à son retour d’intervention. Motif : excès de vitesse ! Le cinémomètre n’a à cette époque, que l’allure d’un pifomètre …    

Notre homme, toujours aussi vif d’esprit et de caractère se fait également remarquer pour son excès de fraternité à l’égard de ses subordonnés et à ce titre se voit également infliger des jours d’arrêts pour s’être laissé tutoyer. Accablé par les punitions, le sergent LANGLOIS qui fréquente assidûment le bureau du commandant de bataillon pour les remontrances dont il fait l’objet, commence à avoir quelques craintes. Aussi, lorsqu’il est victime d’un petit accrochage avec un véhicule léger, alors qu’il effectue une liaison au profit de l’ordinaire, il entreprend de mener lui-même la réparation avant de rentrer. Le travail est parfait. Il est impossible de se rendre compte de quoi que ce soit. Seul un malheureux concours de circonstances permet au commandant de compagnie d’être informé des faits. Le responsable est donc convoqué et invité à s’expliquer :

       « Ecoutez mon capitaine, si je vous avais dit la vérité vous m’auriez collé huit jours »

« C’est vrai et comme cela maintenant vous en aurez quinze ».

Mais, ce n’est pas le genre de péripétie qui refroidit le sergent LANGLOIS, et si l’on tient compte de ses jours de garde de ses jours d’arrêts et de ses déplacements avec l’équipe, on constate qu’il a passé une période de plus de deux mois sans sortie. Ce doit être un record.

Le 1er août 1938, il est nommé sergent-chef. Les évènements qui se préparent vont faire basculer peu à peu la bonne humeur qui règne dans les casernes du régiment. Dès le début de l’occupation, le sergent-chef LANGLOIS va entrer dans les rangs de la résistance. En 1940, il est agent P1 au service des renseignements, groupe Musée de l’Homme. Il est investi de plusieurs missions confidentielles qui vont du transport d’armes et de documents, à l’hébergement d’aviateurs alliés à Chaligny. *** Il faillit se faire prendre à de nombreuses reprises et est souvent sauvé in extremis. La scoumoune qui le suit naguère dans ses démêlés avec la hiérarchie a enfin décidé de la lâcher. Il lui faut parfois passer ses 24 heures de repos dans des trains à sillonner la France, pour porter une valise dont souvent, il ne connait pas le contenu. Mais, il lui arrive également de succomber à la tentation et de commettre de sa propre initiative des actes d’héroïsme complètement gratuits. Gratuits, mais ô combien symboliques et chargés d’espoir et de patriotisme.

« En 41, nous sommes régulièrement chargés de faire des rondes à l’Hôtel de Ville. A l’occasion d’une de ces rondes, je dérobe la clé du sas qui permet d’accéder au toit.  Avec un camarade, nous y sommes revenus de nuit et avons réussi à remplacer le drapeau à croix gammée par le drapeau Français. Nous avons ensuite pris soin de refermer à clé l’issue que nous avions empruntée de façon qu’il ne soit plus possible d’accéder au toit. Les Allemands sont furieux. Ils chargent les pompiers de remettre les choses comme elles étaient avant, au moyen des grandes échelles. Mais le toit est haut et les pompiers ne font pas vraiment preuve de bonne volonté. C’est ainsi que le drapeau allemand n’a plus jamais flotté sur le sommet de l’Hôtel de Ville ».

Sur ce fond de résistance, la vie continue au régiment, opposant quelquefois durement les partisans des deux camps qui se distinguent. Comme chacun sait, il arrive que la nourriture ne soit pas assez abondante pour satisfaire tous les appétits. L’adjudant LANGLOIS toujours aussi généreux, entreprend, une nuit, de monter au clocher de l’église Saint Paul pour faire main basse sur quelques pigeons qui y trouvent refuge. Cette tentative faillit lui être fatale lorsqu’au moment de descendre, il met le pied sur une cloche …

Ainsi finit la guerre, épargnant miraculeusement à plusieurs reprises l’adjudant LANGLOIS, qui à force d’échapper au destin fatal qui le menace sans cesse, finit par devenir croyant. Sur les 40 dévoués serviteurs du réseau Musée de l’Homme, les rescapés se comptent sur les doigts d’une main en 1945. Dans son dossier on retrouve quelques textes qui résument mieux tous les discours possibles :

(Appréciation du capitaine MUET) « Excellent adjudant de compagnie, sérieux, actif au jugement sûr au comportement toujours égal. Moniteur très vigoureux qui, par un entrainement continu, se maintient, malgré son âge, en une excellente forme physique. Esprit patriotique très poussé, a fait preuve pendant l’occupation allemande et durant les combats de la libération de Paris, d’une activité inlassable qui a failli, à plusieurs reprises lui couter la vie : recherche de renseignements, transmission de documents, etc. ».

(Notes du commandant RAUDON, chef du bataillon Est) « Sous-officier énergique qui s’est dépensé sans compter durant l’occupation allemande. N’ayant qu’un seul but, la libération de sa patrie, s’y est entièrement consacré sans recherche de publicité n’y autres avantages. Mérite de voir sa ténacité, son courage et abnégation récompensés par un avancement exceptionnel dont il est parfaitement digne ».

 Et enfin, le document auquel il tient le plus, ce manuscrit signé du général de GAULLE : 

« Répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez été de l’équipe volontaire des bons compagnons qui ont maintenus notre pays dans la guerre et dans l’honneur. Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de remporter la victoire ! Au moment ou le but est atteint, je tiens à vous remercier amicalement, simplement au nom de la France ! Paris le 1er septembre 1945. Signé Charles de GAULLE ». Sur l’entête de ce manuscrit, on pouvait lire : Lieutenant LANGLOIS Jules …

De retour à Port Royal le lieutenant LANGLOIS retrouve rapidement le chemin des agrès de gymnastique qu’il n’a pas pour autant complètement quittés. Il établit alors un nouveau record en amenant pendant 7 années consécutives la 3ème compagnie sur la plus haute marche du podium au challenge LEBRUN, de 1947 à 1953. Nous rappelons simplement, pour que le lecteur prenne toute la dimension de cette prouesse, qu’en 1953, il avait 51 ans.

En 1955, la limite d’âge approche. Le capitaine LANGLOIS se sent encore en pleine forme. Il ne se voit pas partir à la retraite. Le poste de commandant des sapeurs-pompiers de Casablanca se libère. Il se porte volontaire et est mis à disposition des autorités Marocaines pour assumer ce commandement. D’emblée il se trouve confronté aux énormes difficultés des émeutes de juillet 1955. Il se révèle à nouveau parfaitement maître de la situation. Il est à l’honneur dans tous les journaux locaux et les témoignages de félicitations pleuvent de toute part.  Avec lui, c’est toute l’image des sapeurs-pompiers de Paris qui est honorée. Seul regret, il fera l’objet d’une photo pleine page dans le Paris Match, ou l’on peut le voir arpenter une des rues de Casa en tenue de feu, son fidèle P38 à la main.

Il reste seize ans et demi à ce poste de responsabilité, au cours desquels il dirige encore de nombreuses interventions importantes comme les gros feux d’hydrocarbures du port de Casablanca en décembre 1959 et en juillet 1967 et les dramatiques feux de bidonvilles qui voient souvent plusieurs dizaines de baraques partir en fumée en quelques instants.

 Promotion « Jules LANGLOIS ».

Ce nom s’associe à celui de la promotion 2024 « sergent Paul DURIN ». En effet, le sergent-chef LANGLOIS fait partie du commando qui dans la nuit du 12 au 13 avril 1941 a retiré le drapeau à croix gammée qui flotte sur l’hôtel de ville de PARIS.

Engagé volontaire au régiment de sapeurs-pompiers de Paris, le 21 octobre 1921

Caporal : 5/04/1923

Caporal 1ère classe : 26/07/1925

Sergent : 1/02/1931

Sergent-chef : 1/08/1938

Adjudant : 1/08/1943

Sous-lieutenant : 2/03/1945

Lieutenant : 25/03/1947

Capitaine : 1/04/1953

Mis à disposition du Résident Général de la République Française au Maroc pour assurer le commandement du corps des sapeurs-pompiers de Casablanca le 14/04/55

Commandant le 9/09/55

  • Cité à 5 reprises à l’ordre du Régiment
  • Cité à 2 reprises à l’ordre de la division

1 Citation du ministre de la défense nationale et des armées : il est capitaine à l’époque

Décorations :  

  1. Officier de la Légion d’Honneur
  2. Croix de chevalier de la Légion d’honneur
  3. Croix de guerre
  4. Médaille de la résistance
  5. Médaille du combattant volontaire de la résistance
  6. Croix de combattant
  7. Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord
  8. Médaille commémorative de la guerre 1939-1945 avec barrettes Libération et Défense Passive

Médailles pour acte de courage et de dévouement

  1. Médaille de bronze
  2. Médaille d’argent de 2ème classe
  3. Médaille d’argent de 1ère classe
  4. Médaille de vermeil
  5. Médaille d’or
  6. Croix de commandeur du mérite et du dévouement Français
  7. Médaille de bronze de la ville de Paris

Médailles pour services rendus à l’éducation physique et aux sports

  1. Médaille de bronze
  2. Médaille d’argent
  3. Médaille d’or

Autres :

        1.Croix de chevalier du Nicham Iftikhar (LH marocaine)

L’adjudant Jules Langlois devient officier pour ses faits d’armes